Que célèbrent les Juifs lors de Yom Kippour, la fête du grand pardon ? Quel est le lien avec l'expression « être un bouc-émissaire » ?
En 1962, l'immense Nina Simone chante Sinnerman : l’histoire d’un homme ayant péché et qui ne sait plus où courir pour trouver son salut. Ce titre deviendra d'ailleurs la bande-originale du film Thomas Crown avec le grand Pierce Brosnan en 1999. Bref, un morceau d'histoire pour commencer en musique !
Lorsqu’il aura achevé l’expiation du sanctuaire, de la tente de Rencontre et de l’autel, il présentera le bouc vivant. Aaron posera les deux mains sur la tête du bouc vivant, il confessera sur lui toutes les fautes des enfants d’Israël et toutes leurs transgressions, et tous leurs péchés — il les mettra sur la tête du bouc et il l’enverra ensuite au désert par un homme tout prêt. Le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes dans une terre inhabitée, et on lâchera le bouc dans le désert.
Alors Aaron entrera dans la tente de Rencontre, il quittera les vêtements de lin qu’il avait revêtus pour entrer dans le sanctuaire et, les ayant déposés là, il baignera son corps dans l’eau en un lieu saint et reprendra ses vêtements. Il sortira, offrira son holocauste et celui du peuple, fera l’expiation pour lui et pour le peuple, et fera fumer sur l’autel la graisse du sacrifice pour le péché. […]
Ceci sera pour vous une loi perpétuelle : au septième mois, le dixième jour du mois, vous affligerez vos âmes et ne ferez aucun ouvrage, ni l’indigène, ni l’étranger qui séjourne au milieu de vous. Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier— vous serez purifiés de tous vos péchés devant YHWH. Ce sera pour vous un sabbat-des-shabbats, et vous affligerez vos âmes. C’est une loi perpétuelle.
Yom Kippour est le « Jour de l'Expiation » (ou « du Pardon »). Le peuple se souvient de tous ses péchés et demande à Dieu son pardon.
La fête de Yom Kippour, c'est est la fête juive par excellence. C’est le jour le plus solennel et le plus observé de l’année juive, même par les non-pratiquants : à Jérusalem, la circulation est réduite à néant dans la partie israélienne.
Pour les chrétiens, c'est un jour d'une très profonde signification, car le Nouveau Testament comprend la mort et la résurrection de Jésus comme le Kippour définitif et l'ultime « Sabbat des sabbats ». Allez, on vous explique tout ça.
Le Temple de Jérusalem a existé jusqu’au Ier siècle après Jésus-Christ. C’est là que se déroulait la liturgie de Yom Kippour. Elle suivait les nombreuses prescriptions du chapitre 16 du Lévitique (nous avons coupé le texte car il est plutôt long !). C’était, en caricaturant à peine, une boucherie géante : on y sacrifiait des taureaux, des boucs en aspergeant l’autel de leur sang ainsi que toute l’enceinte.
Comme le grand-prêtre était le seul à pouvoir réaliser tous ces sacrifices dans de beaux vêtements de lin, il passait sa journée à se laver et changer de vêtement entre chaque rituel. L’expression « bouc-émissaire » vient précisément des sacrifices de Yom Kippour. On prenait un bouc et on mettait symboliquement sur lui tous les péchés du peuple, puis on l’envoyait au désert, pour l'expulser de l'espace où vivent les croyants.
Aujourd’hui, la veille de la fête est l’occasion d’un bon repas car Kippour est un jour de jeûne intégral : les Juifs ne mangent pas pendant ces 2 jours de fête. Puisque le Temple n’existe plus, on se réunit toute la journée à la Synagogue où :
Plusieurs passages du Nouveau Testament montrent que les premiers chrétiens, c’est-à-dire les premiers Juifs qui reconnurent le Messie en Jésus, utilisèrent le récit et la liturgie de Yom Kippour pour comprendre sa mort sur la croix. Le texte qui utilise le plus la référence à Yom Kippour est l’Épître aux Hébreux (He 9, 1-28) :
Cette fête introduit la figure du bouc-émissaire qui prend sur lui tous les péchés du peuple. Pour les croyants chrétiens, cette figure est finalement assumée par Dieu lui-même en la personne de Jésus crucifié.
Au soir de Yom Kippour, les Juifs se réunissent et récitent la prière du « Kol Nidré » : il s'agit d'un moment public et communautaire d'humilité et de reconnaissance envers la bonté de Dieu. On laisse la rabbin Delphine Horvilleur conclure à ce sujet :
« Kol nidre, vessarei, veh’aramane, vekouname… Le rituel est toujours le même. Un tribunal se réunit symboliquement à la tombée de la nuit et chacun est convoqué pour y reconnaître ses fautes et tenter d’obtenir pardon. La mélodie est poignante et le texte invite chaque juif à reconnaître combien ses paroles ont été vaines, et ses promesses futiles. Un procès public s’ouvre et tous plaident coupables. »
Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts, Paris, Grasset, 2021, p. 98
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