Jésus est-il un agneau ? Quel est le sens de la mort du Christ sur la croix ? D'où vient l'expression « agneau de Dieu » et que signifie-t-elle ?
La condamnation du Christ par le peuple de Jérusalem n'ouvre pas à la malédiction mais à la rédemption.
Avant d'aborder le sujet du sacrifice du Christ, offrons-nous d'abord un peu de douceur en écoutant Redemption Song de Bob Marley, ou — puisque les interprètes de ce morceau ne manquent pas — en découvrant la version du collectif Playing for Change.
**Enfin, si vous voulez écouter cet article à défaut de le lire, voici notre podcast sur ce sujet : Jésus, un agneau. Pourquoi pas un animal plus stylé ?
C’est la fête de Pâque à Jérusalem, et les grands prêtres viennent de livrer Jésus au gouverneur romain, Pilate, dans l’espoir qu’il soit crucifié.
À chaque fête, le gouverneur avait coutume de relâcher au peuple un prisonnier, celui qu’ils voulaient. Il avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.
Comme ils étaient rassemblés, Pilate leur dit :
— Lequel voulez-vous que je vous relâche ? Barabbas ou Jésus qui est dit christ ?
Il savait que c’était par jalousie qu’ils l’avaient livré.
[...]
Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent le peuple de réclamer Barabbas et de faire supprimer Jésus.
Répondant encore, le gouverneur leur dit :
— Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ?
Mais eux dirent :
— Barabbas
Pilate leur dit :
— Que ferai-je donc de Jésus dit christ ?
Tous lui disent :
— Qu’il soit crucifié !
Le gouverneur leur rétorqua :
— Qu’a-t-il donc fait de mal ?
Mais eux de plus belle criaient en disant :
— Qu’il soit crucifié !
Alors Pilate, voyant que cela ne servait à rien — au contraire, le tumulte advint —prenant de l’eau se lava les mains en présence du peuple disant :
— Je suis innocent du sang de ce juste. À vous de voir.
Répondant tout le peuple dit :
— Son sang, sur nous et sur nos enfants !
« Son sang, sur nous et sur nos enfants » (Mt 27, 25)
L'anti-judaïsme s'est beaucoup appuyé sur cette terrible phrase prononcée par une partie du peuple de Jérusalem lors du procès de Jésus. Pourtant, rapportée aux Écritures auxquelles elle fait allusion, la formule ne peut pas s’interpréter de façon univoque. On s'est donc dit qu'une explication s'imposait.
La condamnation du Christ eût lieu pendant la préparation de la Pâque juive, fête où le repas se composait d'agneau en mémoire du sang d'agneau qu'avaient versé les Hébreux sur leurs portes en Égypte, à la demande de Dieu, avant de pouvoir s'enfuir vers la Terre Promise. Vous n'avez rien compris ? Relisez l'histoire ici.
Bref, retenons que la Pâque juive célèbre la sortie des Hébreux hors d'Égypte — sortie rendue possible grâce au sang d'agneau qu'ils ont préalablement versé sur leurs portes, et qui les a ainsi préservés du massacre (c'est ce que raconte le chapitre 12 du Livre de l'Exode, aka Ex 12 si vous voulez lire ce récit).
Le corpus biblique et toute la tradition chrétienne présentent le Christ comme cet agneau pascal qui a versé son sang pour sauver l’humanité, comme le sang de l’agneau en Égypte avait préservé les Hébreux.
Voici 2 exemples :
Vous aurez remarqué que dans cette nouvelle interprétation de l’Agneau de Dieu, l'artiste peint une auréole pour symboliser la sainteté de celui qui est sacrifié. Et ici, l’agneau figure le Christ.
Le peuple de Jérusalem, qui célèbre la Pâque juive, réclame la mort de Jésus et dit à Pilate qui se lave les mains de ce crime :
« Son sang, sur nous et nos enfants. »
Que comprendre ? En répondant cela à Pilate, le peuple témoigne de sa conviction de la culpabilité de Jésus et de sa propre innocence. Si toutefois il s'était trompé, le peuple exprime le souhait que le châtiment que Jésus endure retombe sur lui. Dans les Écritures, de semblables expressions signifient, en effet, l’acceptation pleine et entière de la responsabilité.
Le peuple persuadé de la culpabilité de Jésus ne saisit pas le sens le plus profond de ses paroles : le sang de Jésus répandu pour la multitude en rémission des péchés pour sceller la nouvelle alliance est répandu pour eux et pour leurs enfants aussi !
Comme le sang de l'agneau versé en Égypte, le peuple fait verser un sang qui les sauvera. Ce qui est en apparence une malédiction est, pour celui qui connaît bien les Écritures, une phrase qui ouvre au salut, quand bien même l’instant est dramatique.
1 - Se servir de cette phrase pour nourrir une propagande anti-juive, c’est donc confesser une ignorance de la lettre des Écritures et de l’ironie qui la traverse bien souvent, quel que soit le drame qu’elle relate.
2 - A la question Pourquoi le Christ est-il allé à la croix ? :
On ne saurait laisser le mot de la fin à plus éminente autorité. Lorsqu'il fût pape, Benoît XVI écrivit un ouvrage, Jésus de Nazareth, qu’il publia sous son nom d’auteur, Joseph Ratzinger, pour ne pas le revêtir d’une autorité pontificale mais le présenter comme un essai d’exégèse. Et autant vous le dire, c’est du niveau Ligue des Champions :
« Si, selon Matthieu, « tout le peuple » avait dit : ‘Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !’ (Mt 27,25), le chrétien doit se souvenir que le sang de Jésus parle un autre langage que celui d’Abel : il n’exige ni vengeance ni punition, mais il est réconciliation. Il n’est pas versé contre quelqu’un, mais c’est le sang répandu pour la multitude, pour tous. […] De même que c’est en fonction de la foi qu’il faut lire de manière complètement neuve l’affirmation de Caïphe sur la nécessité de la mort de Jésus, de même faut-il le faire à propos de la parole de Matthieu sur le sang : lue dans la perspective de la foi, elle signifie que nous tous nous avons besoin de la force purificatrice de l’amour, et cette force, c’est son sang. Ce n’est pas une malédiction, mais une rédemption, un salut. »
Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, éd. Paroles et silence, Paris, 2014.