Quelle est l'origine de l'expression « Fils de l'homme » ? Que signifie-t-elle ? Pourquoi Jésus dit-il qu'il est lui-même le « Fils de l'Homme » ?
Sorti en 2006, le film américain Les Fils de l'homme est une dystopie : les êtres humains ne peuvent plus avoir d'enfants et l’humanité meurt à petit feu, lorsqu’une jeune femme appelée Kee tombe enceinte – cas inédit, et donc objet d’espoir et de tensions.
Les allusions et références bibliques foisonnent dans ce film :
Enfin, le titre du film « Les Fils de l’homme » est en soi déjà une référence biblique. On vous explique justement l’origine de cette expression dans l’éclairage aujourd’hui !
Le passage du Livre de Daniel ci-dessous appartient au « style apocalyptique », c’est-à-dire un mode d’expression qui recourt à beaucoup de symboles et d’images très visuelles.
Je regardais dans les visions de la nuit et voici que, avec les nuées du ciel, venait comme un fils d’homme. [...]
Et il lui fut donné domination, gloire et règne et tous les peuples, nations et langues le servent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point et son règne un règne qui ne sera pas détruit.
Dans le passage de l’Évangile ci-dessous, Jésus donne un enseignement à ses disciples et leur parle du Fils de l'homme d'une manière proche de celle de Daniel :
Quand viendra le Fils de l'homme dans sa gloire et tous les anges avec lui, alors il siègera sur son trône de gloire. […] Alors le roi dira à ceux de sa droite :
— Venez, les bénis de mon père, héritez du royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. En effet, j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, j'ai été malade et vous m'avez visité, j'étais en prison et vous êtes venus à moi. [...] Amen je vous dis : dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.
L’expression « Fils de l’homme », maladroite en grec, est en fait un calque de l’hébreu ben adam et de l'araméen bar enoch. Difficile à traduire, elle peut signifier « quelqu’un », un « être humain », voire « on », et intervient dans des contextes soulignant la souffrance et la précarité de la condition humaine.
L’expression « Fils de l’Homme » est par ailleurs une formule récurrente par laquelle Jésus se désigne lui-même.
À partir de là, on s’est donc posé deux questions :
Et comme souvent, pour expliciter le sens des paroles du Nouveau Testament, il faut revenir à l’Ancien ! D’où les deux textes bibliques que nous mettons aujourd’hui en écho...
L’expression « fils d’homme » est une formule assez courante dans l’Ancien Testament. On la retrouve spécialement dans le Livre de Daniel.
Dans le Livre de Daniel, elle évoque la fragilité de la condition humaine. La prophétie de Daniel, que l'on vient de vous faire lire, insiste sur la victoire ultime du Royaume de Dieu au jour du jugement, à la fin des temps.
Autrement dit, le Fils de l'homme, même s'il passe par la souffrance, en sortira vainqueur.
C'est là toute l'ambiguïté et tout le paradoxe que le tableau du Caravage ci-desous laisse entrevoir dans l'épisode du Ecce Homo, lorsque Jésus est présenté à la foule juste avant sa crucifixion :
Le plus souvent dans les évangiles, lorsque Jésus parle de lui-même, il se nomme lui-même « le Fils de l’Homme».
En fait, l’allusion au personnage de Daniel permet à Jésus de donner à ses auditeurs des pistes pour interpréter sa propre destinée : il est le Messie et le juge envoyé d'auprès de Dieu.
Et comme vous l'avez remarqué, dans le passage de l’évangile de Matthieu, la figure du Fils de l’homme prend exactement les mêmes attributs que celui du Livre de Daniel, à savoir la victoire et le jugement :
Finalement, Jésus utilise ainsi délibérément une expression :
C’est là toute l'ambiguïté de la parole christique. Quand Jésus parle de lui-même comme « fils de l'homme », il laisse la place à la foi ou à l'incrédulité.
En fonction de l'attention que l'on prête à cette expression dans la bouche de Jésus, on peut le reconnaître :
Ce qui transparaît ainsi, dans cette manière de s'exprimer, c'est la liberté à laquelle Jésus convoque la personne qui l'écoute.
C’est à propos de ce lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament que nous concluons, reprenant les mot de Hans Urs von Balthasar, grand théologien suisse :
Pourquoi ne pas élargir la connaissance de Jésus et de sa vie intérieure grâce au prodigieux espace de l’Ancien Testament, ne pas l’amplifier pour ainsi dire, par sa caisse de résonance ? Lue correctement, ainsi que les Pères savaient le faire, l’Ancienne Alliance n’est pas seulement prophétique, mais l’ombre même du Christ.
Hans Urs von Balthasar, Grains de blé II, Paris, Arfuyen, 2004. p. 39
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