Qui sont les premiers personnages de l’évangile de Luc ? Quel est le lien entre Elisabeth, Zacharie et Jean-Baptiste et Marie, Joseph et Jésus ?
Message à tous les amateurs de l’ovalie, cette pépite est pour vous ! Zach Mercer, numéro 8 du MHR et champion de France en 2022, a également été élu meilleur joueur du Top 14 pour le cru 2021-2022.
Mais ce n’est pas pour ses innombrables plaquages ni pour ses délicieux offloads que nous le convoquons ici. Plus prosaïquement, il porte un prénom d’origine hébraïque, tout droit venu des récits bibliques !
Zach est en effet le diminutif de Zacharie, qui n’est autre que le premier personnage cité par saint Luc dans son évangile (accompagné de sa femme Élisabeth). On vous laisse lire le passage, on revient ensuite vous éclairer un peu !
Bon, dans le registre j’ai-un-prénom-d’origine-biblique-et-je-suis-une-star, citons aussi Zac Efron, de son nom complet Zachary David Alexander Efron, le célèbre acteur de High School Musical ou encore feu la Reine Elizabeth d'Angleterre...
Le passage qui suit est le début de l’évangile de Luc, juste après les quatre premiers versets qui composent le prologue introductif.
Il y eut aux jours d’Hérode le roi de Judée, un prêtre nommé Zacharie, de la classe d’Abia, et sa femme qui était des filles d’Aaron, dont le nom était Élisabeth.
Tous deux étaient justes devant Dieu, marchant selon tous les commandements et ordonnances du Seigneur d’une manière irréprochable. Et ils n’avaient pas d’enfant parce qu’Élisabeth était stérile, et ils étaient tous deux avancés en âge.
Or, il arriva, comme Zacharie remplissait devant Dieu les fonctions du sacerdoce, venu le tour de sa classe, selon la coutume du sacerdoce, il lui échut par le sort d’offrir l’encens une fois entré dans le sanctuaire du Seigneur. Et toute la multitude du peuple était dehors en prière, à l’heure de l’encens.
Alors lui apparut un ange du Seigneur, debout à droite de l’autel de l’encens. Et Zacharie fut troublé en le voyant et la crainte fondit sur lui.
Mais l’ange lui dit :
— Ne crains pas, Zacharie, car ta prière a été exaucée et ta femme Élisabeth t’enfantera un fils et tu l’appelleras du nom de Jean. Et ce sera pour toi joie et allégresse, et beaucoup se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur et il ne boira ni vin ni boisson enivrante, et il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère, et il convertira de nombreux fils d’Israël au Seigneur, leur Dieu ; et lui-même marchera devant lui, dans l’esprit et la puissance d’Élie pour ramener les cœurs des pères vers les enfants et les rebelles à la prudence des justes pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé.
Et Zacharie dit à l’ange :
— Comment connaîtrai-je cela ? Car moi je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge.
Et, répondant, l’ange lui dit :
— Moi, je suis Gabriel, qui me tiens devant Dieu et j’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle. Et voici, tu vas être réduit au silence et tu ne pourras parler jusqu’au jour où ces choses arriveront parce que tu n’as pas cru à mes paroles, lesquelles s’accompliront en leur temps.
Et le peuple était dans l’attente de Zacharie, et l'on s’étonnait qu’il s’attardât dans le sanctuaire.
Quand il sortit, il ne pouvait leur parler et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le sanctuaire. Et lui leur faisait des signes, et il demeurait muet.
Et il arriva, quand furent accomplis les jours de son service, qu’il s’en retourna chez lui.
Après ces jours-là, sa femme Élisabeth conçut et elle se tenait cachée cinq mois, disant : ainsi a fait pour moi le Seigneur, aux jours où son regard sur moi a permis d’enlever mon opprobre parmi les hommes.
Nous nous sommes penchés la semaine dernière sur le « prologue » de l’évangile de Luc. Vous venez donc de lire très exactement la suite, autrement dit le début du chapitre 1 de l’évangile. Comme tout livre, le début est toujours très significatif. Au passage, remarquons que chacun des quatre évangiles commence d’une manière particulière :
Certes, les évangiles de Matthieu, Marc et Jean suivent chacun une trame narrative propre pour leur premier chapitre. Mais ils se rejoignent tous sur ce point : il y est d’emblée question de Jésus. Logique, nous direz-vous, les évangiles sont quand même des récits centrés sur la personne de Jésus…
Pourtant, chez Luc, il faut attendre le verset 31 (au-delà de l’extrait que nous présentons aujourd’hui) pour lire le nom « Jésus » pour la première fois. Autrement dit : le début de l’évangile de Luc n’évoque par directement Jésus.
Mais qui sont les premiers personnages présentés ici ? Deux "petits vieux" : Zacharie et Élisabeth.
« Il y eut aux jours d’Hérode le roi de Judée, un prêtre nommé Zacharie, de la classe d’Abia, et sa femme qui était des filles d’Aaron, dont le nom était Élisabeth. » (Lc 1, 5)
Toujours pas de Jésus à l’horizon…
« Tous deux étaient justes devant Dieu, marchant selon tous les commandements et ordonnances du Seigneur d’une manière irréprochable. Et ils n’avaient pas d’enfant parce qu’Élisabeth était stérile et ils étaient tous deux avancés en âge. » (Lc 1, 6-7)
Luc vient à peine d’entamer son évangile que la situation de départ semble compliquée, voire triste. En effet : deux phrases se suivent et le lien logique fait défaut. Pour faire simple :
Pour un lecteur juif, ou pour qui a lu l'Ancien Testament, la référence saute aux yeux ! En effet, Luc présente d’emblée Zacharie et Élisabeth sur le modèle du couple formé par Abraham et Sarah dans le Livre de la Genèse, dans l’Ancien Testament. Petite explication à l’appui :
Mais le parallèle ne s’arrête pas là ! En fait, tout ce passage de l’évangile de Luc fait habilement référence à la Genèse, et tout particulièrement au chapitre 17 :
Ainsi, les deux histoires se ressemblent et rappellent que le Dieu de l’Ancien Testament, qui donne miraculeusement naissance à Isaac tandis que Sarah est déjà vieille, est le même que le Dieu de l'Évangile qui donne ici naissance à celui qui sera appelé « Jean ».
En écho aux histoires des matriarches de l’Ancien Testament (Sarah, Rebecca, Léa et Rachel), cette grossesse miraculeuse d’Élisabeth indique surtout l’essentiel : en dépit de leur vieillesse et de leur stérilité, Sarah et Élisabeth seront mères, car « rien n'est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). Du même coup, les récits bibliques rappellent que toute naissance est un don de Dieu.
Ainsi, Jésus ne prend pas toute la place dans ce début d’évangile. En effet, il partage le haut de l’affiche avec celui qui est son cousin : le fils d’Élisabeth et Zacharie, Jean (alias Jean-Baptiste, car il est celui qui « baptise » Jésus) — *rien à voir avec l’apôtre Jean, l’un des Douze.
Cette façon de présenter deux personnages en écho est en un procédé littéraire bien connu dans la littérature grecque de l’époque. Dans le vocabulaire biblique savant, on parle de « sunkrisis », composé du préfixe sun qui signifie avec, et du verbe krinein qui signifie juger. Autrement dit, la sunkrisis consiste à « juger avec », c’est-à-dire à brosser le portrait du personnage principal au moyen d’une comparaison avec un autre.
Vous l’avez compris, ici, Jésus est présenté en même temps de Jean-Baptiste. Ils partagent plus d'un d’élément commun.
De même :
À vrai dire, c’est tout le chapitre 1 et le début du chapitre 2 qui sont construits autour du parallèle entre Jean et Jésus à travers des récits enchâssés.
Bref, c’est un chef-d’œuvre !
Finalement, la proximité de ces deux personnages, dès les premières pages de l’évangile de Luc, nous indique un détail-clef : ces deux nouveaux-nés sont liés.
Et en effet, pour les chrétiens, Jean-Baptiste est le dernier des prophètes et Jésus est le Messie annoncé par les prophètes de jadis.
« Il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère et il convertira de nombreux fils d’Israël au Seigneur, leur Dieu ; et lui-même marchera devant lui [...] pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » (Lc 1, 15-17)
Pour les chrétiens, Jean-Baptiste est par excellence la figure du « prophète » et du « précurseur ». En effet, il annonce la venue du Messie (son cousin Jésus), et il prépare et dispose les chemins puisqu’il vient avant Jésus (à six mois près, Jean-Baptiste est plus vieux que Jésus).
Ainsi, Jean-Baptiste fait figure de parfaite transition entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Après Jean-Baptiste, il n’y a plus de prophètes :
Pour conclure, nous reprenons les mots d’Origène, théologien et Père de l’Église du IIIe siècle. Il pointe un détail du texte : Élisabeth et Zacharie sont justes « devant Dieu » (Lc 1, 6).
« Regardons de plus près l'éloge de Zacharie et d'Élisabeth que saint Luc rapporte dans son récit. Il aurait pu simplement écrire : ‘"Tous deux étaient justes, marchant dans tous les commandements" Mais en fait il ajoute, comme suite nécessaire : "Tous deux étaient justes devant Dieu" (Lc 1,6a). Il peut en effet arriver à quelqu'un d'être juste aux yeux des hommes, sans l'être aux yeux de Dieu. [...] Or, en fait, le jugement des hommes n'est pas sûr [...] Il est bien difficile d'être juste "devant Dieu", de manière à ne faire le bien pour aucun autre motif que le bien lui-même et pour que Dieu seul soit recherché comme récompense des bonnes œuvres. »
Origène : Homélies sur saint Luc (SC 87 bis), éd. et trad. Henri Crouzel, François Fournier et Pierre Périchon, 2e éd. revue et corrigée, Paris : Cerf, 2011, p. 113
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