Pourquoi le mot « Amen » est-il identique quelle que soit la langue parlée ? Est-il vraiment universel ? Peut-on trouver son origine et sa signification dans les Écritures ?
Comment vous dire que Otis Redding est pour nous le chanteur kiffant par excellence ?
Mort prématurément à 26 ans en 1967, inspirateur des plus grands (des Rolling Stones et Aretha Franklin à Jay-Z et Kanye West en passant par Johnny Hallyday), il interprète Amen, titre qu’on écoute en boucle pour se donner quelques good vibes.
Béni soit le Seigneur à jamais ! Amen ! Amen !
On bat notre record du texte biblique le plus court pour s’intéresser particulièrement à un seul mot qui traverse tout le corpus biblique.
Le mot Amen fait partie de ces termes que tout le monde connaît, pas besoin d’être croyant pour cela. Pourtant, en connaît-on vraiment le sens ? Faites le test autour de vous, ça devrait être intéressant…
Ce mot hébreu vient des Écritures Saintes. Il est passé à travers les âges, les civilisations et les langues différentes. Donc, premier constat : c’est un très très très vieux mot. Dans la Bible en grec et dans la Bible en latin, on dit aussi « amen ». Le choix de ne pas le traduire souligne son importance.
👉 Du coup, retour à l’hébreu : de vieux spécialistes passionnants vont éclairer un peu le truc.
La racine hébraïque du mot amen signifie appui. Quand je réponds « amen » à quelqu’un ou à une hymne liturgique, je dis en fait : « Je trouve mon appui en ce qui vient d’être dit ». Dans l’Écriture, ce mot revient forcément au sujet de Dieu. On dit « amen » en réponse à la révélation de réalités divines pour signifier : « Mon appui principal et fondamental est en Dieu ».
👉 Comme le dit le théologien canadien Marc Girard, l’aman hébreu d’où vient le mot amen exprime la solidité, la permanence, la stabilité. Si on prend appui en Dieu, c’est parce qu’on peut croire qu’il est une réalité stable en opposition à ce qui est éphémère, provisoire et périssable.
Ainsi, par cette signification, l'usage chrétien s'est également répandu et certains associent ou traduisent le terme Amen par l'expression « Ainsi soit-il ». Cette formule française revient à exprimer un assentiment, un accord de fond et une adhésion à ce qui est dit.
Dans la Bible, la racine aman qui a donné amen ressemble à Mammon : Mammon est la richesse matérielle qui devient l’idole des hommes prêts à tout sacrifier pour y parvenir. Ainsi donc, il y a deux voies : l’homme peut aussi dire « amen » aux richesses matérielles décrites comme éphémères et périssables au contraire de Dieu. Elles s'appellent alors Mammon.
Ce terme Amen qui désignait donc la solidité a évolué dans deux directions :
Voilà, vous y penserez la prochaine fois que vous le direz !
Dans une œuvre parue après sa mort, Saint-Exupéry réfléchit à ce qui pourrait échapper au passage du temps, à ce qui pourrait constituer une citadelle solide. Bref, le bouquin pourrait s’appeler Amen mais ce chef-d’œuvre se nomme Citadelle et on y a lu un solide enseignement de sagesse de notre époque moderne :
« Ainsi ai-je longtemps médité sur le sens de la paix. Elle ne vient que des enfants nés, que des moissons faites, que de la maison enfin rangée. Elle vient de l’éternité où rentrent les choses accomplies. Paix des granges pleines, des brebis qui dorment, des linges pliés, paix de la seule perfection, paix de ce qui devient cadeau à Dieu, une fois bien fait.
Car il m’est apparu que l’homme était tout semblable à la citadelle. Il renverse les murs pour s’assurer la liberté, mais il n’est plus que forteresse démantelée et ouverte aux étoiles. Alors commence l’angoisse qui est de n’être point. Qu’il fasse sa vérité de l’odeur du sarment qui grille ou de la brebis qu'il doit tondre. La vérité se creuse comme un puits. Le regard quand il se disperse, perd la vision de Dieu. En sait plus long sur Dieu que l’épouse adultère ouverte aux promesses de la nuit, tel sage qui s’est rassemblé, et ne connaît rien que le poids des laines.
Citadelle je te construirai dans le cœur de l’homme. »
Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, Gallimard, Paris, 1948
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