Découvrez le portement de croix de Jésus peint par Brueghel ! Pourquoi Jésus est-il caché au milieu d’une foule ?
Dans son morceau J’arrive sorti en 2017, Ben Mazué entonne notamment ces paroles : « Oh, porte ma croix / juste quelques heures »...
Bingo, l'expression « porter sa croix » est bien évidemment une référence directe au chemin de croix de Jésus. Ce thème du « Chemin de Croix » a d'ailleurs inspiré bon nombre d'artistes... et notamment le peintre flamand Brueghel l’Ancien. On s'attaquera justement à son tableau Le Portement de Croix dans notre éclairage.
Mais avant de s'attarder sur ce tableau de génie, lisons le texte biblique qui inspire et cette musique et ce tableau !
Jésus a été arrêté par les grands prêtres suite à la trahison de Judas. Ceux-ci emmènent Jésus devant Ponce Pilate, le gouverneur romain de la région pour qu’il le fasse périr. Après plusieurs tentatives d’innocenter Jésus, Pilate le livre aux Juifs pour qu’il soit crucifié.
Les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant :
— Salut, roi des Juifs !
Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.
Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire), ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.
Peint en 1564, Le Portement de Croix est un célèbre tableau de Pieter Brueghel l’Ancien. Il représente un épisode de la Passion du Christ... mais surtout : il fourmille de détails !
Si le titre du tableau évoque la Passion du Christ, les personnages du tableau (plus de 250 !) ne semblent pas vraiment s’en préoccuper...
L’atmosphère est donc assez particulière — à la fois festive et tragique, très loin des représentations traditionnelles avec Jésus sur la croix sur un décor sobre. Ici, ça grouille de monde un peu partout !
Observons désormais l'ensemble du tableau.
Bien qu'il soit placé à l'exact centre de la toile, le Christ est bien caché ! Il est au troisième plan, minuscule, vêtu de bleu sombre au milieu de la foule. Bref, au premier coup d'œil, on a du mal à le distinguer.
Qui plus est, il n’est même pas debout ! Il est écrasé par le poids de sa croix — ce qui réduit encore sa taille dans le tableau. Tout semble fait pour que le spectateur ne le remarque pas d’emblée.
Au second plan, un personnage montre du doigt quelque chose. L’observateur suit des yeux la direction indiquée et son regard tombe immanquablement… sur deux soldats qui arrachent un homme à son épouse (ci-dessous).
Cette scène attire l’attention de tous les personnages des alentours et semble les remplir d’effroi. Elle est sans doute destinée à polariser toute notre attention sur un élément du tableau qui détourne le regard, l'éloignant de Jésus et de sa croix.
Les seuls personnages qui prennent conscience du drame qui est en train de se dérouler se trouvent au premier plan en bas à droite. Il s’agit de Marie, de Jean et d’un groupe de femmes (ci-dessous) : « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. » (Jn 19, 25)
En fait, 2 ambiances coexistent dans ce tableau :
Le Christ et les deux condamnés dans la charrette qui le précède se dirigent vers le lieu d’exécution, entourés d’une troupe de soldats en tuniques rouges. Or, si on regarde bien, ces soldats ne sont pas romains mais espagnols, armés de piques et précédés par la bannière des Habsbourg (l’aigle à deux têtes).
Pourquoi cet anachronisme ? La réponse tient à une simple remise en contexte (*c’est le moment Histoire sur France Culture !) :
Finalement, le sujet du tableau est double :
Voilà, vous y voyez désormais un peu plus clair dans cet immense tableau qui ne dépeint pas une fête foraine de village du XVIe siècle, mais bien le chemin de croix du Christ !
Jésus, personnage principal de la toile, apparaît pourtant comme une tache minuscule et insignifiante ! Bref, le spectateur est mis dans la même situation que les badauds de l’époque :
Pour conclure, place à Paul Claudel qui reprend lui aussi l’épisode du Portement de la Croix de Jésus dans son œuvre Le chemin de la Croix en décrivant la douleur du Christ :
Ah ! Que la croix est longue, et qu'elle est énorme et difficile ! Qu'elle est dure ! qu'elle est rigide ! que c'est lourd, le poids du pécheur inutile ! Que c'est long à porter pas à pas jusqu'à ce qu'on meure dessus ! Est-ce vous qui allez porter cela tout seul Seigneur Jésus ?
Paul Claudel (1868-1965), Le Chemin de la Croix, 1911, Deuxième Station «Jésus est chargé de la Croix »
Pieter Brueghel l’Ancien est un peintre flamand du XVIe siècle (vers 1525–1569), connu pour ses scènes de la vie paysanne et ses tableaux religieux à haute charge symbolique. Le Portement de croix est une œuvre réalisée en 1564, dans un contexte de tensions religieuses et sociales aux Pays-Bas.
De manière surprenante, Jésus est presque invisible, perdu dans la foule grouillante. Il porte sa croix au centre, mais n’attire pas immédiatement le regard. Ce choix esthétique met en lumière la discrétion du Christ souffrant dans un monde indifférent ou trop occupé.
Outre Jésus, Brueghel met en évidence :
Chaque figure invite le spectateur à se situer dans la scène : Où suis-je dans ce cortège ?