Découvrez la mort de Jésus racontée dans le Coran. Peut-on en retour mieux comprendre le sens de la Croix dans la Bible ?
La Croix de Jésus-Christ est devenue un symbole central dans le monde entier et plusieurs grands sportifs l'ont marquée dans leur chair :
Ce passage de l'évangile de Matthieu raconte la fin du chemin de croix de la Passion de Jésus.
Arrivés à un lieu dit « Golgotha » – ce qui veut dire « lieu du crâne », on lui donna à boire du vin mêlé de fiel. Et l’ayant goûté, il ne voulut pas boire. L’ayant crucifié ils divisèrent ses vêtements les tirant au sort afin que s’accomplît ce qui avait été dit par le prophète : ils se sont partagés mes vêtements et ont tiré au sort ma tunique
Et, s’étant assis, ils étaient là, à le garder. Et ils disposèrent au-dessus de sa tête sa sentence écrite : « Celui-ci est Jésus le roi des Juifs ».
Alors sont crucifiés avec lui deux brigands un à sa droite et un à sa gauche.
Ceux qui passaient par là l'injuriaient en remuant la tête et disaient :
— L’homme qui détruit le sanctuaire et en trois jours le bâtit, sauve-toi toi-même si tu es le Fils de Dieu et descends de la croix !
Semblablement les grands prêtres se gaussant avec les scribes et les anciens disaient :
— Il en a sauvé d’autres et lui-même il n’arrive pas à se sauver ! Si c’est le roi d’Israël qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui, il s’est confié en Dieu, qu’il le délivre sur le champ s’il tient à lui car il a dit « de Dieu je suis fils ».
Or les brigands crucifiés avec lui l’accablaient aussi des mêmes moqueries.
À partir de la sixième heure il y eut des ténèbres jusqu’à la neuvième heure, vers la neuvième heure Jésus gémit d’une voix forte disant :
— Eli Eli lima sabachthani.
C’est-à-dire :
— Mon Dieu mon Dieu à quoi m’as-tu abandonné.
L’entendant, certains de ceux qui se tenaient là dirent :
— C’est Élie qu’il appelle, celui-ci.
Et étant accouru aussitôt l’un d’eux ayant pris une éponge l’ayant gorgée de vinaigre et l’ayant fixée autour d’un roseau essayait de le faire boire.
Et les autres disaient :
— Voyons voir si Élie vient le sauver.
Mais Jésus cria de nouveau d’une voix forte et remit l’esprit.
Pour comprendre une spécificité importante du christianisme, comparer le texte du Coran et celui du Nouveau Testament n’est pas du luxe. Car le Coran parle de la mort de Jésus. On vous laisse lire par vous-mêmes, Sourate 4 verset 157 :
« Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié, mais furent seulement le jouet d’une illusion. Tous ceux qui se sont opposés à ce sujet sont en réalité dans l’incertitude la plus totale, formulant de simples suppositions. » (Coran, 4, 157, trad. Denis Masson)
Dans la Sourate 4, le Coran relate la crucifixion de Jésus de manière bien différente de la tradition chrétienne. Jésus y est crucifié « en apparence » disent les exégètes. De ce fait, le Coran opère une double distinction par rapport au texte du Nouveau Testament :
L’Islam présente exclusivement le visage d’un Dieu tout-puissant, auquel l’homme doit se soumettre, il est impensable que Dieu s'abaisse aux hommes.
Le Nouveau Testament montre au contraire que la toute-puissance de Dieu se manifeste dans son abaissement volontaire sur la Croix.
Pour que l’homme puisse vivre d’une communion parfaite avec Lui, Dieu consent à connaître l’angoisse de la mort. Voilà une caractéristique spécifique au christianisme.
Cet abaissement lors de la mort de Jésus sur la Croix résonne comme un cri d’amour incroyable de Dieu envers les hommes.
Cet abaissement de Dieu qui va jusqu'à mourir sur une croix, Charles Péguy l'a magnifié dans un poème célèbre :
Les armes de Jésus c'est cette pénurie,
Et sa chair exposée à toute intempérie,
Et les chiens dévorants et la meute ahurie ;
Les armes de Jésus c'est sa croix de par Dieu,
C'est d'être un vagabond couchant sans feu ni lieu,
Et les trois croix debout et la sienne au milieu ;
Les armes de Jésus c'est cette pillerie
De son pauvre troupeau, c'est cette loterie
De son pauvre trousseau qu'un soldat s'approprie ;
Les armes de Jésus c'est ce frêle roseau,
Et le sang de son flanc coulant comme un ruisseau,
Et le licteur antique et l'antique faisceau ;
Les armes de Jésus c'est cette raillerie
Jusqu'au pied de la croix, c'est cette moquerie
Jusqu'au pied de la mort et c'est la brusquerie.
Du bourreau, de la troupe et du gouvernement,
C’est le froid du sépulcre et c’est l’enterrement,
Les armes de Jésus c’est le désarmement ;
L’avanie et l’affront voilà son industrie,
La cendre et les cailloux voilà sa métairie
Et ses appartements et son duché-pairie ;
Les armes de Jésus c’est le souple arbrisseau
Tressé sur son beau front comme un frêle réseau,
Scellant sa royauté d’un parodique sceau ;
Les disciples poltrons voilà sa confrérie,
Pierre et le chant du coq voilà sa seigneurie,
Voilà sa lieutenance et capitainerie.
Charles Péguy, Huitième jour de La Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc, 20 novembre 1912, désigné comme « Huitième jour de la neuvaine de Sainte Geneviève pour le Vendredi 10 Janvier 1913 »