Pour la deuxième fois, Jésus ressuscité se montre en chair et en os à ses disciples. Comment Le Caravage peint-il la réaction de Thomas ?
Dans Le monde de Narnia écrit par C.S. Lewis et adapté en 4 opus au cinéma, le lion Aslan décide d’être exécuté à la place du jeune Edmund. Puis il ressuscite et assure la victoire contre la sorcière.
Ce roman de fantasy fait donc une prodigieuse allusion à la résurrection du Christ et l'auteur utilise d'ailleurs le symbole christique du lion (on vous en parle ici si vous voulez).
Mort sur la croix, déposé au tombeau, Jésus a disparu. « Il est ressuscité » annoncent quelques femmes témoins, mais les disciples peinent à y croire et se claquemurent.
Le soir de ce jour-là, le premier de la semaine, alors que, par crainte des [notables] juifs, on avait verrouillé les portes [là] où se trouvaient les disciples, Jésus arrive, se présente au milieu et leur dit :
— Paix à vous !
À ces mots, il leur montra ses mains ainsi que son côté. À la vue du Seigneur, les disciples furent remplis de joie. Jésus leur dit de nouveau :
— Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, à mon tour, je vous envoie.
Ayant dit cela, il souffla sur eux en disant :
— Recevez l’Esprit Saint ! […]
Thomas, l’un des douze, appelé ‘Jumeau’, n’était pas avec eux quand vint Jésus. Les autres disciples lui disaient donc :
— Nous avons vu le Seigneur !
Mais il leur répondit :
— Tant que dans ses mains je n’aurai pas vu la trace des clous,
ni mis mon doigt dans la trace des clous
ni mis la main dans son côté,
je ne croirai pas.
Huit jours plus tard, les disciples de Jésus étaient de nouveau à l'intérieur et Thomas se trouvait avec eux. Jésus survient, toutes portes closes, se présente au milieu et dit :
— Paix à vous !
Puis il dit à Thomas :
— Avance ici ton doigt et regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté, ne sois plus incrédule mais croyant.
Et Thomas répond et lui dit :
— Mon Seigneur et mon Dieu !
Jésus lui dit :
— À présent que tu me vois, te voilà plein de foi. Heureux ceux qui ont eu foi sans avoir vu.
Être « comme saint Thomas », ne croire qu'en ce qu'on a pu vérifier par soi-même. Voilà une expression passée dans le langage courant « Je ne croirai pas sans avoir vu ».
Cette scène, présente uniquement dans l’Évangile selon Jean, atteste que Jésus est ressuscité dans sa chair, qu’il n’est pas un esprit qui apparaît, un fantôme, ni une belle idée. On vous laisse ici lire le numéro spécial là-dessus.
Pour mieux comprendre, on plonge dans cette scène avec le merveilleux tableau du Caravage. 👇
On reconnaît d'emblée la grande manière du Caravage : fond sombre et éclairage puissant. La lumière tombe du haut, à gauche et enveloppe virtuellement le spectateur.
Tout concorde pour souligner l'incrédulité de l'apôtre :
Le Caravage peint donc un Thomas encore incrédule, dépassé par l’expérience qu’il fait du Corps Ressuscité de Jésus. L'artiste déploie ici une magistrale interprétation de la parole du Christ :
« Heureux celui qui croit sans avoir vu » (Jn 20,29)
👉 Même Thomas, qui touche et voit, semble ne pas y croire. Le Caravage insiste ainsi sur la primauté de la foi : pour véritablement voir et toucher le corps du Ressuscité, il s’agit d’abord de croire.
Quant à la Résurrection, la foi dépasse toute preuve.
Chacun peut avoir le même doute que Saint Thomas. Une manière de le surmonter nous est proposée par le bienheureux Frédéric Ozanam (1813-1853). Celui qui fut professeur de Littérature étrangère à la Sorbonne et essayiste fonda la Société Saint-Vincent-de-Paul pour prendre soin des plus pauvres. Pour lui, c’était les pauvres, membres du Christ, qui permettaient de faire l’expérience tactile de Thomas, d'atteindre la certitude de toucher le corps du Christ.
« Il semble qu’il faille voir pour aimer et nous ne voyons Dieu que des yeux de la foi et notre foi est si faible ! Mais les hommes, mais les pauvres, nous les voyons des yeux de la chair, ils sont là et nous pouvons mettre le doigt et la main dans leurs plaies et les traces de la couronne d’épines sont visibles sur leur front. Et ici l’incrédulité n’a plus de place possible et nous devrions tomber à leurs pieds et leur dire avec l’apôtre : — Tu es Dominus et Deus meus ; vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs. »
Cité par Gérard Cholvy, Frédéric Ozanam. L'engagement d'un intellectuel catholique au XIXe siècle, Paris : Artège, 2012