Découvrez comment Léonard de Vinci peint l’enfant Jésus avec Anne et Marie ! Pourquoi y a-t-il un agneau ? Que symbolise-t-il ?
Un monument de la chanson française pour commencer…
Dans une émission de la Radio Télévision Suisse (alias RTS) tournée en 1979, Charles Aznavour interprète un vibrant « Ave Maria ». On ne résiste pas à l'envie de lâcher une mention spéciale pour la magnifique veste rouge du plus célèbre chanteur franco-arménien (dans la vidéo) !
Sur ces notes, passons d’un artiste à un autre. Aujourd’hui, on s’attaque à un autre monument : Léonard de Vinci — ou plutôt un certain tableau de Leonardo.
C’est curieux cette façon de dire que des artistes sont des « monuments », n’est-ce pas ?
On vous propose un texte biblique pas trop long aujourd’hui : un verset.
Jean le Baptiste voit Jésus venir vers lui et dit :
— Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.
On a choisi de vous proposer un petit verset de l’évangile de Jean… mais pour tout vous avouer, on a beaucoup hésité. On y reviendra.
Aujourd’hui, notre éclairage porte sur l’analyse d’une toile aussi géniale que mystérieuse. Voici Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant Jésus jouant avec un agneau (ou comment ce titre nomme littéralement tous les personnages de la toile).
De quel passage biblique s’inspire Léonard de Vinci, au juste ? C’est loin d’être évident… pour la bonne et simple raison qu’il ne s’agit pas d’un épisode précis raconté dans les évangiles.
Bref, ce tableau ne représente pas un moment particulier. Il s’agit d’une composition traditionnelle dans la peinture religieuse chrétienne. Elle met en scène l’Enfant Jésus avec Marie sa mère et Anne sa grand-mère. Il s’agit d’un motif qu’on appelle « Sainte Anne trinitaire ». Le tableau ci-dessous en est également un exemple (dans un tout autre style)...
La toile de Léonard de Vinci (ci-dessous) est un chef-d'œuvre pour 36 000 raisons. Pour faire bref, on a retenu 3 bonnes raisons de dire que c’est effectivement une pure merveille.
👉 Première raison : Les jeux de regards entre chaque personnage.
Dans cette réunion de 3 générations, on devine une atmosphère d’amour, pleine de tendresse et de confiance. La composition du tableau dessine une sorte de diagonale descendante :
Remarquez que Marie est littéralement assise sur les genoux de sa mère. Ce détail est loin d'être anecdotique ! En effet, il s'agit d'une position très traditionnelle dans l'iconographie chrétienne. Elle suggère l'idée d'une transmission par les femmes, ainsi que l'intimité qui lie la grand-mère et la mère.
Enfin, les deux femmes ont l’air d’avoir le même âge. Ce détail accorde ainsi un certain prestige à Anne qui apparaît aussi rayonnante et jeune que sa fille Marie.
Penchons-nous désormais sur l’arrière-plan. Il s’agit d’un paysage minéral — qui ressemble d’ailleurs à celui de La Joconde (on vous laisse aller vérifier).
👉 Deuxième raison pour dire que ce tableau est un chef-d'œuvre : la majesté du paysage au fond du tableau.
Quasi onirique, cet arrière-plan détone nettement avec le reste de la toile. On distingue une chaîne de montagnes enneigée ou embrumée, avec un grand arbre bien seul sur la droite.
La chaleur de la terre orangée contraste avec le froid glacial des sommets bleutés et cristallins. On est à mi-chemin entre l’Antarctique et le Sahara !
Le décor est très sobre, désert — bref, impossible de le situer précisément dans le temps ou dans l’espace. La scène acquiert ainsi une dimension « hors du temps ».
De Vinci crée donc un tableau immensément riche… et mystérieusement épuré. Pour l'anecdote, sachez qu'il a travaillé sur cette toile plus de 16 ans... et qu'il l’a laissée inachevée à sa mort !
Tous les personnages sont pieds nus. Remarquez également que personne n’a d’auréole. Bref, sans le petit agneau en bas à droite, rien ne permet clairement de dire qu’il s’agit d’un tableau religieux ! Oui mais voilà… Cet agneau, c’est le détail qui change tout (cf ci-dessous) !
👉 Troisième raison pour laquelle ce tableau est une chef-d’oeuvre : non, ce n’est pas une peluche.
Jésus est en train de tenir par le cou et d’enjamber un agneau, c’est-à-dire l’animal qui symbolise son futur sacrifice. Car l’agneau, dans la Bible, c’est le symbole de l’innocent qui est mené à l’abattoir. Mais Jean-Baptiste va encore plus loin dans l’évangile de Jean. À propos de Jésus, il dit :
« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » (Jn 1, 29)
Enfin, remarquez que la position de Jésus est assez bizarre. En fait, il n'est pas du tout en train de jouer, mais en train de coincer l'agneau sous sa jambe, comme on prend l'animal pour un sacrifice.
C’est l’histoire de Jésus : toute sa vie est dirigée vers sa future mort (et sa Résurrection) ! D’un coup, cette simple peinture de famille prend un tour beaucoup plus tragique.
Agité, le corps contorsionné tout autour de l’animal, Jésus semble déjà suggérer qu’il va mourir pour « enlever le péché du monde ». Voilà pourquoi le sourire délicat de Marie laisse aussi deviner une douloureuse inquiétude.
Finalement, cette scène familiale évoque non seulement le mystère de la vie... mais aussi le mystère de la mort. Est-ce pour cette raison que Léonard de Vinci a peint une sorte de précipice au premier plan, comme pour suggérer que cette scène prend place au bord d’un gouffre ?
On peut alors mettre cette prière des Psaumes dans la bouche de Marie pour exprimer sa douleur en apprenant ou pressentant la future mort de son fils :
« Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu’à l’âme. J’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis entré dans l’abîme des eaux et le flot me submerge. » (Ps 69, 2-3)
Pour conclure, laissons le dernier mot à la plume de l’écrivain et Académicien François Cheng. Il contemple lui aussi ce tableau de génie de Léonard De Vinci :
« J’ai évoqué les œuvres de Vinci célébrant la beauté du corps, je devrais me rappeler un autre moment de communion au Louvre devant son tableau La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne qui, lui, fait vivre la beauté de l’âme.
De composition à la fois verticale et circulaire, un ordre de transmission s’incarne devant nous, ayant pour force motrice l'amour maternel et l’amour du prochain.
Depuis le haut vers le bas, de sainte Anne à sainte Marie, de sainte Marie à Jésus, de Jésus au petit agneau avec qui il joue, chacun a un geste de donation et de protection, ouvrant par là un espace empli de tendresse et de crainte, de fragilité et de résolution. La haute promesse de la Vie doit être tenue ; elle est tenue. Le bonheur de l’amour humain est là, indéniablement là.
Cependant, un pressentiment le travaille déjà de l'intérieur : l’amour absolu est une donation totale, il est désarmé et sans défense. Un jour l’enfant grandira, il ne jouera plus avec l’agneau, il sera l’agneau lui-même. »
François Cheng, De l’âme, Paris, Livre de Poche, 2018, p. 111
La réponse n’est pas évidente ! En fait, Anne, la grand-mère de Jésus, n’est pas évoquée dans les quatre évangiles. Ce tableau ne représente donc pas vraiment de moment particulier. En revanche, cette composition est assez traditionnelle dans la peinture religieuse chrétienne : c’est ce qu’on appelle le motif de la « Sainte Anne trinitaire ».
L’agneau symbolise le futur sacrifice de Jésus : c’est le symbole de l’innocent qui est mené à l’abattoir.
Ce paysage minéral représente une chaîne de montagnes qui contraste avec la chaleur de la terre orangée au premier plan. Le décor très sobre met en avant un paysage « hors du temps ».
Tous les personnages et leur attitude laissent d’abord penser à l’ordinaire d’une scène familiale. Mais la présence de l’Agneau avec qui joue Jésus laisse déjà planer une ambiance de mort. Bref, cette scène familiale évoque le mystère de la vie, mais aussi le mystère de la mort !