Qui a écrit la Bible ? Qui en est l’auteur, qui parle ? Qu’est-ce que l’inspiration divine ? Réponse avec la Bible et Dei Verbum !
En 1992, la grande et sublime Whitney Houston compose la bande originale du film Bodyguard avec Kevin Costner. Elle ouvre le morceau par ses mots :
Yes Jesus loves me for the Bible tells me so
Oui Jésus m'aime car la Bible me le dit
Cette formule a été l’occasion d’une question très terre-à-terre : comment la Bible peut-elle dire quelque chose ? Qui en est l’auteur, qui parle ? Au fond, Whitney nous invite à plonger dans des questions fondamentales !
Ce texte attribué à l'apôtre saint Pierre s’adresse à des nouveaux chrétiens de milieu mixte, d'origine juive ou gréco-romaine.
Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui ont reçu en partage égal avec nous la foi dans la justice de notre Dieu et sauveur Jésus-Christ : que pour vous grâce et paix soient à leur comble dans la connaissance de notre Seigneur ! […]
Ce n’est pas, en effet, en ayant suivi de savantes fables que nous vous avons fait connaître la puissance et la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais en ayant été les observateurs de sa grandeur.
En ayant reçu en effet de Dieu honneur et gloire quand, de la gloire magnifique, une voix de ce genre s’était fait entendre :
— Celui-ci est mon fils chéri en qui j’ai mis toute ma complaisance.
Et nous, nous avons entendu cette voix venue du ciel alors que nous étions avec lui-même sur la montagne sainte. Et nous tenons pour particulièrement confirmée la parole prophétique à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que le lucifer* se lève dans vos cœurs, en comprenant avant tout qu’aucune prophétie de l’Écriture ne procède d’une interprétation propre car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée mais c’est inspirés par l’Esprit saint qu’ont parlé les saints hommes de Dieu.
Notre éclairage d’aujourd’hui part d’un constat dont chacun peut faire l’expérience en face d'un passage complexe : la lecture des Écritures nécessite une aide.
En effet, lire la Bible c’est très bien, mais c'est pas toujours facile. Dans quel esprit s’agit-il d’aborder cette lecture ? Dit autrement et de manière plus frontale : à quoi le lecteur a-t-il affaire en lisant la Bible ?
Aborder un texte suppose de se poser les questions élémentaires : qui est l’auteur ? qui parle et de quelle manière ? Et à qui s'adresse-t-il ?
Ces grandes questions fondamentales ont été soulevées et abordées par les théologiens dès les premiers siècles et continuent d’être honorées et travaillées aujourd’hui encore. Réuni de 1962 à 1965, le Concile Vatican II de l'Église catholique s’est de nouveau penché sur cette question décisive.
Ce travail a fait l’objet d’un court texte (*seulement 7 pages !) intitulé Dei Verbum. Voilà notamment ce qu’il dit :
« Écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, la totalité des livres bibliques, aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament ont Dieu pour auteur. » (Dei Verbum, III, 11)
En fait, cette affirmation vient s’inscrire dans la droite ligne de ce que disent les Écritures elles-mêmes, à l’image de cette lettre de saint Pierre que nous citions juste avant :
« Tout d’abord, sachez-le bien, aucune prophétie de l’Écriture n’est affaire d’interprétation privée ; en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie. Mais c’est portés par l’Esprit saint que les hommes ont parlé, de la part de Dieu. » (2 P 1, 20)
Pour répondre avec précision, on doit à la fois tenir ensemble deux vérités qu'il semble difficile de tenir ensemble :
Pour éclaircir ce principe paradoxal fondamental, le texte de Dei Verbum a pris soin de formuler cela avec les mots les plus justes :
« Pour faire les Écritures, Dieu a choisi des hommes, qu’il a pris dans l’usage de leurs qualités propres et de leurs capacités. Ainsi il agit en eux et par eux afin qu’ils écrivent, en qualité d’auteurs véritables, tout ce que Lui-même veut et seulement cela. » (Dei Verbum, III, 11)
Les auteurs humains ont donc écrit la Bible « en qualité d’auteurs véritables ». Cette précision vient couper court aux spéculations qui pourraient avancer que les auteurs bibliques sont influencés à leur insu.
Dit encore autrement : non, les auteurs bibliques ne sont pas des scribes ou des marionnettes.
Qu’il s’agisse de la foule des auteurs et poètes de l’Ancien Testament, parfois anonymes, aussi bien que des auteurs du Nouveau Testament historiquement reconnus comme Paul ou les évangélistes (Matthieu, Marc, Luc et Jean par exemple), tous sont donc pleinement auteurs. Le fait que leur écriture soit inspirée ne change rien : ils ne sont pas seulement médiateurs, mais pleinement auteurs avec leur personnalité, leurs défauts et leur charisme propre.
Donnons un exemple : l’évangile de Marc est écrit dans une langue grecque rugueuse et parfois incorrecte qui se distingue nettement du raffinement et de la délicatesse du récit et de la langue de l’évangile de Luc. Pourtant, il n’est pas question de préférer l’un à l’autre, mais de reconnaître que chacun porte la Parole de Dieu d’une manière propre.
Ok, la Bible a en même temps Dieu et des hommes pour auteurs. Mais peut-on préciser ce « et » ? En effet, c’est là toute la question et le cœur du mystère. Grand bibliste jésuite du XXe siècle, Paul Beauchamp émet lui-même l’objection qui découle de ce principe paradoxal :
« Peut-on dire que les auteurs bibliques, du fait qu’ils sont assistés de Dieu, sont moins auteurs de leur livre que les autres écrivains et qu’ils ont seulement une part de responsabilité ? Réponse négative. » Paul Beauchamp, Parler d’Écritures saintes, Paris, Seuil, 1987, p. 17
La réponse est très claire : on ne peut pas faire la part de Dieu et la part de l’homme dans les Écritures. Sur ce point, les phrases de Beauchamp sont très belles et très éclairantes :
« Peut-on dire que certaines choses dans la Bible viennent de Dieu et que certaines viennent des hommes ? Ce qui paraît trop obscur, trop inexact, trop choquant dans l’Écriture serait de l’homme seul. Ne pourrait-on réserver à Dieu tout ce qui nous paraît inattaquable ? Réponse du concile absolument négative. D’abord l’inspiration du Saint-Esprit touche « les livres entiers tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, dans toutes leurs parties » (Dei Verbum, III, 11). D’autre part, les « vrais auteurs » ont écrit tout ce que, et seulement ce que, Dieu voulait. Il faut remercier le concile de l’Église pour cette rigueur, cette verticalité qui paraît augmenter la difficulté mais qui, en réalité, ferme la route vers des compromis qui seraient vraiment trop déprimants ! On ne peut pas faire la part de Dieu et la part de l’homme dans les Écritures : cette affirmation paraît énorme mais elle coupe court à un processus indéfini de chicaneries absolument stériles et surtout elle libère en concertant notre attention sur le "et" dont j’ai parlé ; Dieu et l’homme ». Paul Beauchamp, Parler d’Écritures saintes, Paris, Seuil, 1987, p. 18
La conclusion que Beauchamp donne de ce développement résume à elle seule l’effort qui est celui de tout son ouvrage pour fixer l’attention sur le foyer et la liaison entre deux éléments d’une même chaîne :
« En effet, il ne s’agit pas seulement, comme on dit, de tenir les deux bouts de la chaîne : Dieu, l’homme. S’il n’y avait que les deux bouts de la chaîne, il n’y aurait pas de chaîne : la chaîne, c’est le "et". On voit bien que c’est le cœur du problème, le foyer. »
Paul Beauchamp (1924-2001), Parler d’Écritures saintes, Paris, Seuil, 1987, p. 18