Quelle est l’origine du mot « évangile » dans la Bible ? Quelle est sa signification et son étymologie ? S’agit-il seulement d’une biographie de Jésus ?
Dans le clip des Black Eyed Peas « Ring the Alarm » sorti en 2018, le chanteur Will.i. am apparaît dans une église, entre deux vitraux, pour entonner ce refrain à la fin du morceau :
I'm down with Jesus and I roll with apostles / We got that big love, that love that's colossal (...) We got that big love, that love heavy-weight / Wait, wait, that's the gospel
Je suis à fond avec Jésus et je roule avec les apôtres / On a ce grand amour, cet amour qui est colossal (...) On a ce grand amour, cet amour poids-lourd / Attends, attends, c'est ça l'évangile
En réécoutant ce vieux son, on s’est posé une question simple, basique : en fait, d’où vient le mot « évangile » et que signifie-t-il ? Réponse aujourd’hui !
Ce passage correspond très exactement au tout début de l’évangile de Marc. Ce sont les premiers versets. Marc commence tambour battant et ouvre le récit avec l’épisode du baptême de Jésus.
Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu.
Comme il est écrit dans les prophètes : « Voici, j’envoie mon messager devant ta face qui préparera ton chemin devant toi. » Voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. »
Jean parut, baptisant dans le désert et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. Et sortaient vers lui tout le pays de Judée et les habitants de Jérusalem, et tous étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain, en confessant leurs péchés. Jean était vêtu de poils de chameau et une ceinture de peau autour de ses reins et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il prêchait, disant :
— Vient un plus fort que moi après moi dont je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.
Et il arriva en ces jours-là que Jésus vint de Nazareth de Galilée et fut baptisé dans le Jourdain par Jean.
Avant de plonger dans la lecture d’un livre, il est toujours très précieux de s’arrêter sur les premiers mots. En l’occurrence, voici la première phrase et le premier verset qui ouvre l’évangile de Marc :
« Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu. » (Mc 1,1)
On dirait un titre de chapitre, mais ce sont bien les premiers mots, et il y a déjà beaucoup à dire ! Tout d’abord, c’est la première fois que le mot « évangile » apparaît dans toute la Bible*. Issu du terme grec euaggelion (εὐαγγέλιον), le mot signifie littéralement « bonne nouvelle ». Pour le croyant, il s'agit de la bonne nouvelle que vient apporter le Christ : la joie d'être sauvé !
*Première fois dans la Bible, on s'emballe un peu. À vrai dire, c'est la première fois dans le Nouveau Testament, car il apparaît, comme verbe, dans l'Ancien Testament, par exemple dans le Livre d'Isaïe (Is 52,7)... **Pour tout éclaircir à ce sujet, écouter notre podcast : c'est quoi l'évangile ? (15 min)
En donnant à cette nouvelle espèce de biographie qu’il produisait le titre d’ « évangile », Marc crée un nouveau genre dans la littérature antique.
En fait, les évangiles se présentent comme des synthèses intégrant à la fois :
Le mot « évangile » ne désigne pas seulement le message ou la compilation des actes et des enseignements de Jésus, car il ne désigne pas seulement un contenu et une histoire, mais aussi le livre qui le véhicule. Autrement dit : l’évangile, c’est le message sur Jésus, incluant le message de Jésus. Car Jésus est à la fois le message et la parole.
Du coup, petite astuce pour y voir plus clair :
Pasteur anglican et ancien doyen de la prestigieuse université King’s College de Londres, Richard Burridge est un éminent bibliste dont les travaux sur les évangiles ont été particulièrement remarqués et salués. Il a reçu le Prix Ratzinger en 2013 (sorte de Prix Nobel de Théologie, autant dire qu’il pèse dans le game). Il a montré que les évangiles relèvent du genre de la biographique antique…
MAIS Burridge souligne aussitôt qu’il s’agit d’une biographie toute particulière :
Enfin, il est très remarquable de noter l’absence de toute rhétorique élogieuse pour parler de Jésus, comme si ses faits et ses paroles devaient parler d’eux-mêmes, contrairement à la plupart des historiens et biographes antiques qui interviennent pour vanter les qualités du héros.
Finalement, Marc donne d'emblée une clef de lecture en ouverture de son évangile comme si tout était dit dès le premier verset :
« Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu. » (Mc 1,1)
Pour son auteur, l'Évangile n'est donc pas un simple texte spirituel ou un récit biographique, mais bien la Révélation de la bonne nouvelle : son but, clairement exposé dès le début de son livre, est d'annoncer que Jésus est le Christ, Fils de Dieu. Et c'est ainsi que l'Église le lit aussi.
Et comme une passe décisive finale, on vous renvoie vers un excellent article pour redécouvrir le sens du mot « Christ » : c'est ici !
Pour conclure ce numéro, soulignons que les évangiles sont écrits à destination de lecteurs. Il s'agit justement de s'arrêter sur la place du lecteur et sur l'itinéraire qu'il suit :
« L’intrigue [de l'évangile de Jean] consiste dans le conflit entre la foi et l’incrédulité en tant que réponses à Jésus. Ce conflit est représenté aussi bien dans le déroulement de l’évangile tout entier que dans chacune de ces principales scènes. Face à chaque élément, le lecteur est amené à comprendre et à réagir. En saisissant tel malentendu, le lecteur est prévenu qu’il ne faut pas confondre le sens apparent et le sens réel des choses. À travers le symbolisme (l’eau, le pain, la nourriture, la lumière...), de même, le lecteur est amené à saisir que les réalités sont plus profondes que leur apparence et à s’interroger sur leurs significations profondes. Il est ainsi amené à comprendre ce que les personnages ne comprennent pas ou comprennent mal. »
Michel Gourgues op, Cinquante ans de recherches johanniques dans Bien des manières, 1996
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