Découvrez d'où vient l’étymologie du mot « shabbat ». En quoi est-ce un jour de repos consacré à Dieu ? Quel est le lien avec la Création ?
Dans le numéro d’aujourd’hui, on revient sur l’origine du shabbat.
Pour commencer en musique, découvrez le morceau instrumental du groupe espagnol Barcelona Gipsy balkan Orchestra, dans un style délicieux mêlant le jazz manouche et le klezmer (tradition musicale issue des milieux juifs ashkénazes). Ils interprètent Shalom Alechem, le célèbre chant juif entonné lors de l’entrée en shabbat.
D'entrée, précisons que l'on peut utiliser indistinctement le terme hébreu shabbat ou le terme francisé sabbat. Que ce soit avec l'une ou l'autre orthographe, on parle bien de la même chose ! *Sauf s'il est question d'Alain Chabat... là effectivement c'est autre chose !
Ce passage biblique du livre de l’Exode est hyper connu. Il s’agit du don des « Tables de la Loi » de Dieu à Moïse.
Alors Dieu prononça toutes ces paroles en disant :
— Je suis YHWH ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage.
Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre. […] Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.
Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
Tu ne commettras pas de meurtre.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient.
La semaine dernière, on s’est arrêté sur le passage de l’Exode où Dieu se présente à Moïse. Cette semaine, arrêtons-nous sur la troisième des « paroles » : le sabbat.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu. (Ex 20,8)
Commençons par un peu d’étymologie : le nom du sabbat est littéralement expliqué par une racine hébraïque signifiant « cesser, arrêter, chômer ».
L’institution du sabbat en jour de repos hebdomadaire consacré à Dieu est donc un commandement explicitement formulé dans le Décalogue.
Ce jour de repos a tout d’abord un sens religieux. Il s'agit d'imiter le repos de Dieu au septième jour de la création :
Et Dieu acheva le septième jour ses œuvres qu’il avait faites et il se reposa le septième jour de toutes ses œuvres qu’il avait faites. Et Dieu bénit le septième jour et le sanctifia parce qu’en ce jour-là il s’était reposé de toutes les œuvres qu’il avait commencé à faire. (Gn 2,2-3)
Le récit nous dit aussi qu’en ce jour, Dieu a tout achevé, c’est-à-dire a tout mené à sa perfection et surtout que Dieu « sanctifia » ce jour, lui donna un caractère consacré. Dans la pensée biblique, être consacré, c’est être « mis à part ». C’est donc un jour saint, un jour à part.
Mais ce temps de repos dans la semaine a également un sens moral : il s'agit d'offrir le repos en particulier aux travailleurs mais aussi aux animaux :
Pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se repose ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l'étranger. (Ex 23,12)
Le septième jour est un sabbat pour YHWH ton Dieu. Tu n'y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne ni aucune de tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer. (Dt 5,14)
Le repos du septième jour a une double visée :
Dans la tradition juive, le shabbat commence le vendredi soir, au coucher du soleil, et se termine le lendemain, samedi soir.
La fête juive du shabbat est la répétition d'un cycle. Elle constitue en effet un événement liturgique qui renouvelle de semaine en semaine l’œuvre créatrice.
Certains éléments de cette symbolique rituelle du shabbat se retrouvent également dans le sens du dimanche chez les Chrétiens.
Lors de chaque repas de shabbat, on évoque la Pâque. Dans la célébration de la Pâque, chaque fils d’Israël a le devoir de se regarder comme étant lui-même sorti d’Égypte, car la sortie d'Égypte a inauguré une nouvelle ère pour le peuple juif.
L’Exode n’est pas un événement du passé, mais un point où l’éternité et le temps des hommes se croisent. C'est parce que ce temps profane est consacré à Dieu qu'il devient un temps du salut. C'est d'ailleurs ce que dit Moïse lui-même lorsqu'il s'adresse au peuple d'Israël :
Ce jour sera pour vous un mémorial
et vous le fêterez comme fête pour YHWH dans toutes vos générations,
comme un décret perpétuel vous le fêterez. (Ex 12, 14)
Le principe est simple : s’arrêter afin de mieux recommencer en se rappelant l'alliance qui libère l'homme de la matière et lui donne donc le véritable repos spirituel.
Le sabbat est un jour de repos, mais ce repos doit nous orienter vers Dieu. En ce sens, cette prière de Paul Verlaine est une belle manière de conclure ce numéro :
Ô Seigneur, exaucez et dictez ma prière,
Vous la pleine Sagesse et la toute Bonté,
Vous sans cesse anxieux de mon heure dernière,
Et qui m'avez aimé de toute éternité,
Oui, votre grand souci, c'est mon heure dernière,
Vous la voulez heureuse et pour la faire ainsi,
Dès avant l'univers, dès avant la lumière,
Vous préparâtes tout, ayant ce grand souci.
Exaucez ma prière après l'avoir formée
De gratitude immense et des plus humbles vœux,
Comme un poète scande une ode bien-aimée,
Comme une mère baise un fils sur les cheveux.
Paul Verlaine (1844-1896), Amour, « Prière du matin » (1888), dans Sagesse Amour Bonheur, Paris, Gallimard, 1975